Les principes
Les personnes touchées par les inégalités sociales, la précarité ou la pauvreté, l'exclusion sociale ou la faible littératie sont plus susceptibles de rencontrer des défis lorsqu’elles naviguent à travers notre système de santé. Or, ces personnes sont sous-représentées au sein de la recherche. Favoriser une plus grande participation de leur part à des études, de même qu’une collaboration étroite et respectueuse entre chercheurs, patients et leaders d’organismes communautaires pourrait pourtant contribuer à améliorer les services de santé.
Parce qu’elles peuvent avoir du mal à comprendre les informations données dans le cadre d’un projet de recherche, ces personnes touchées par les inégalités sociales, la précarité ou la pauvreté, l'exclusion sociale ou la faible littératie sont dites en situation de vulnérabilité dans un contexte recherche. En raison de cette vulnérabilité, des obligations éthiques doivent être assumées à leur égard par tous les intervenants dans le processus de recherche. Ces obligations éthiques se traduisent souvent par l’instauration de procédures spéciales destinées à protéger leurs intérêts et doivent être respectées dans tous les projets de recherche les impliquant. La recherche utilisant des méthodes visuelles, qu’elle implique des personnes en situation de vulnérabilité ou non, pose aussi son lot de questions éthiques.
La recherche utilisant des méthodes visuelles, qu’elle implique des personnes en situation de vulnérabilité ou non, pose aussi son lot de questions éthiques. 
Quels sont les principaux principes éthiques à respecter dans les projets de recherche impliquant des personnes ou groupes en situation de vulnérabilité?

Texte écrit par Darquise Lafrenière

Principes éthiques

Les personnes en situation de vulnérabilité en contexte de recherche doivent être traitées avec respect, quelle que soit la situation, et acceptées comme elles sont, peu importe leurs caractéristiques individuelles (ex. : âge, sexe, état de santé, capacités) ou leur marginalité aux yeux de la majorité. Ces personnes méritent d’être respectées pour le rôle qu’elles jouent au sein de leur famille, auprès de leurs amis et dans la société et doivent être traitées comme des êtres humains à part entière et des membres utiles de la société.

Les personnes en situation de vulnérabilité en contexte de recherche présentent un risque accru de subir un tort. Un exemple de tort potentiel pour les personnes touchées par les inégalités sociales, la précarité ou la pauvreté, l'exclusion sociale ou la faible littératie serait une baisse de l’estime de soi ou la création de discrimination à leur égard suite à la publication de résultats d’une étude les ayant impliqués. Les chercheurs académiques (par opposition aux co-chercheurs membres de la communauté ou d’un organisme communautaire) ont la responsabilité du bien-être physique, mental et social des personnes en situation de vulnérabilité participant à leur étude. Il leur faut donc s’assurer de réduire au minimum les risques encourus par les personnes en situation de vulnérabilité et leur communauté et les informer des risques potentiels résiduels.

Il peut être problématique d’assurer l’anonymité des personnes participantes à des études utilisant des méthodes visuelles. Souvent, ces personnes souhaitent rendre publique leur histoire. Cependant, elles pourraient vivre des regrets plus tard à ce sujet. Prenons l’exemple de personnes participant à des études reliées à la toxicomanie ou à la maladie mentale dans une petite ou moyenne localité. Présenter leur histoire publiquement pourrait leur causer des torts ultérieurement (ex. : recherche d’emploi). Il faut bien les renseigner à ce sujet.

Toute personne apparaissant dans un visuel doit consentir à être vue après s’être fait expliquer les risques et avantages de l’exercice. Ceci est particulièrement vrai à l’ère du digital où les images peuvent être partagées instantanément sur Internet et peuvent difficilement en être retirées.

Les études ayant une composante génétique requièrent également une attention particulière. Prenons l’exemple d’un participant à la recherche qui divulguerait dans un visuel être atteint d’une maladie héréditaire. Cette divulgation risquerait de causer de l’anxiété, du stress, de la détresse chez ses apparentés qui apprendraient qu’ils sont susceptibles, eux aussi, ou l’un de leurs descendants, d’être atteints de la même maladie considérant la composante génétique de cette dernière. Les relations entre le participant et ses apparentés pourraient être affectées suite à cette divulgation publique. Tous ces risques doivent être expliqués aux participants.

Certaines personnes peuvent avoir accordé leur consentement pour apparaître dans des visuels (ex.: photos, vidéos) pour générer des données de recherche, mais peuvent ne pas être d’accord pour apparaître visuellement lors de la dissémination des résultats (ex. : exposition de photos en salle ou projection de vidéos devant public). Il est important de s’assurer du consentement pour chacune de ces deux étapes du processus de recherche.

Il est parfois tentant de présenter des images-chocs dans le but, notamment, d’attirer l’attention sur une problématique, de faire réfléchir la personne qui regarde ou par souci d’esthétisme. À cet égard, le visuel est un mode d’expression très puissant. Il faut toutefois se rappeler que de rendre des visuels plus dramatiques dans le but de les rendre plus spectaculaires au détriment de la préservation de la dignité des personnes constitue un manquement grave à l’éthique.

L’attribution des droits d’auteur sur les créations visuelles réalisées dans le cadre d’une étude peut constituer un réel casse-tête. À qui appartiennent les droits sur ces créations? Aux chercheurs? Aux participants à la recherche- créateurs des œuvres? Aux artistes ou réalisateurs, même dans le cas d’une production réalisée avec du matériel fourni par les participants à la recherche? Qui prend la décision finale sur l’endroit, le moment, l’auditoire d’une exposition ou encore les modalités de reproduction de dessins, photos, vidéos? Ces questions doivent être pensées avant le début du projet afin d’éviter que des acteurs se sentent brimés dans leurs droits une fois l’étude amorcée.

Dans le cas où les membres d’une équipe de recherche utilisent des visuels tirés de pages Internet, de séquences de films ou de vidéos, d’imprimés ou de tout autre média, il leur faut s’assurer de mentionner qui est le propriétaire des droits d’auteurs et acquitter les frais d’utilisation des visuels si requis.

Il est important d’évaluer si les images utilisées dans le cadre de l’étude contribuent, même inconsciemment, à reproduire des stéréotypes ou encore si elles sont susceptibles de provoquer la stigmatisation des personnes moins scolarisées, analphabètes et issues de l’immigration récente. Comment les personnes sont-elles représentées visuellement dans l’étude et lors de la dissémination des résultats?

Il est impératif de s’assurer que les participants à la recherche ne se mettent pas à risque de quoi que ce soit pour la création d’un visuel. L’équipe de recherche doit évaluer minutieusement les risques potentiels pour leur sûreté et leur sécurité et les mettre en garde contre de tels risques. Prenons le cas de parcours commentés dans des quartiers chauds.

Le visuel doit être représentatif de la réalité. Il ne doit pas faussement représenter un individu ou une situation ou altérer le sens initial de l’image. Il ne doit pas être manipulé technologiquement pour changer ou amplifier son effet si ce n’est pas l’objectif de l’étude.

Il est à noter que certaines juridictions possèdent des lois qui doivent être respectées. Au Québec, le droit à l’image est fondamental. Tout le monde peut publier dans un journal, une revue, une publicité ou sur les médias sociaux une photo ou une vidéo où il apparaît. Tous peuvent disposer de leur image à leur guise.

Cependant, attention! Si d’autres personnes apparaissent sur ces photos ou vidéos, il faut d’abord obtenir leur consentement avant de les publier car si elles estiment avoir subi un tort (ex. : inconfort, tracas, atteinte à l’estime de soi) par la publication de leur image, elles sont en droit de vous réclamer un dédommagement.

Certaines exceptions s’appliquent toutefois. Si une photo est prise dans un lieu public (ex. : en face d’un monument historique), dans une foule (ex. : rencontre sportive), si elle présente une célébrité (ex. : chanteur, acteur, sportif) ou qu’elle sert à informer le public (ex. : photo d’un accident) aucun recours ne peut être exercé contre celui qui l’a publiée.