Éducation populaire autonome (ÉPA)
L’ÉDUCATION populaire autonome est un moyen d’orientation de l’action communautaire. Elle en est un fondement essentiel puisqu’il s’agit de transformer une société injuste, inégalitaire et inéquitable et non d’adapter les personnes aux contraintes de cette société.
L’ÉDUCATION populaire autonome repose sur un lien de confiance entre les personnes impliquées dans la démarche. Il faut prendre le temps de se connaître et s’engager à travailler dans le respect de chaque personne, de la confidentialité s’il y a lieu, de l’entraide et de la reconnaissance égalitaire de l’importance des personnes. La parole de chaque personne compte et nous nous assurons que chaque personne puisse prendre la parole.
Une démarche d’ÉPA consiste à partir des préoccupations des gens qui fréquentent nos groupes.
À titre d’exemple, nous avons constaté qu’une majorité des membres d’
Atout-Lire qualifie la santé d’enjeu ou de problème prioritaire. Comment en parler, comment tenir compte de tous les déterminants de la santé, dont les déterminants sociaux? Que faire pour favoriser une meilleure santé?
Après quelques rencontres, les discussions permettent de poser un premier constat. Nous réalisons que dans notre société, la plupart du temps, l’éducation concernant la santé se concentre sur les bonnes habitudes de vie et les comportements sains. Cette approche s’adresse surtout au « Je » de chaque personne. On met au premier plan la responsabilité individuelle.
Mais, au fil des discussions, nous situons les enjeux de santé dans leur contexte social, le regard s’élargit et change. Nous référons ici à ce qui est désigné maintenant comme « déterminants sociaux de la santé » ou facteurs socio-économique et environnementaux.
Je peux me demander par exemple si le logement que j’habite est bon ou plutôt nuisible à ma santé. Si j’ai accès à des services de proximité en santé. Est-ce que je trouve des magasins d’aliments variés, de bonne qualité et à des prix abordables dans mon quartier? Ai-je accès à des loisirs? Est-ce que j’en ai les moyens? Et le transport? Et la qualité de l’environnement? Etc. Cela a permis de réaliser concrètement qu’il y a pas mal de facteurs qui ont des impacts sur notre santé.
Réflexions collectives
De nos réflexions collectives, une perspective sociocritique émerge. Suis-je personnellement et individuellement responsable de mon niveau de revenu? De l’accessibilité des services de santé? D’un environnement sain? De l’accès à un logement salubre à un prix équitable? Non. Nous nous rendons clairement compte qu’il serait non seulement absurde, mais aussi injuste de répondre oui à ces questions sur la responsabilité.
Même si nous savons depuis longtemps qu’il y a des différences dans les conditions de vie au sein de la société, nous réalisons que la plupart de ces différences peuvent être qualifiées d’inégalités sociales injustifiables, inéquitables. Devons-nous nous soumettre à de telles injustices? Il faut donc changer des choses dans la société?
Lorsque ces différences se dévoilent et sont reconnues en tant
qu’injustices, elles suscitent l’indignation.
Dès lors, les transformations sociales requises ne peuvent pas relever seulement d’une responsabilité personnelle. Il nous faut faire appel à une autre forme de responsabilité : la responsabilité collective. Il n’y a pas que des « Je » qui sont responsables, mais aussi des « Nous ».
Ce changement de perspective amène de grandes bouffées d’air frais. Sur le plan psycho-affectif, le travail réalisé au cours de ce cheminement renforce la confiance et l’estime envers soi et les autres. Nous ressentons le besoin de mieux connaître ce « Nous ».
Nous nous intéressons aux groupes populaires qui s’occupent de logement social, à ceux qui défendent nos droits, aux groupes qui œuvrent à l’égalité entre les femmes et les hommes, à ceux qui combattent le racisme, etc. Ils prennent la forme d’un kaléidoscope dont la multitude de miroirs a pour centre les exigences de justice : sociale, fiscale, environnementale et le respect de la dignité de toutes et tous.
Nous travaillons désormais plus et mieux sur les causes des injustices et inégalités sociales. En ce qui concerne la santé, nous pensons que c’est de cette manière que nous pouvons sérieusement agir de façon préventive et non simplement curative.
Les gens qui ont toujours eu peu de pouvoir dans la société se découvrent des forces. Nous choisissons ensemble de partager nos réflexions avec d’autres groupes populaires. Nous créons des outils qui serviront à alimenter des discussions, à animer des ateliers, à réaliser des activités de sensibilisation sur les enjeux sociaux en santé. Nous sommes tout particulièrement fiers et fières d’une trousse d’animation que nous avons conçue.
Cette trousse se nomme Changer notre regard sur la santé. Ce nom illustre le passage de l’individuel au collectif, du « Je » au « Nous ».
Nous sommes convaincus que nous pouvons être consciemment solidaires, nous entraider dans nos diverses luttes sociales. Les « Je » prends place au sein d’un « Nous » qui a du sens parce que guidé par des valeurs partagées de démocratie, de justice, d’égalité, de liberté et de solidarité. Nous sommes responsables ensemble de créer une société meilleure pour tous et toutes, une société soucieuse de sa responsabilité dans le monde.
Texte écrit par
Johanne Arseneault